“DEFO AYAN, DEFO AYAN, DEFO AYAN”
C’est ce que récitait mon fils hier en rentrant de sa balade.
Je l’entendais crier son nom à tue-tête… et j’étais tellement fier.
Il y a des jours où, quand je lui demande comment il s’appelle, il me répond simplement « Ayan ».
Et moi, je lui dis : « Oui, mais ton nom, c’est d’abord DEFO. »
Il me répond : « Non, c’est Ayan. »
Et il a raison.
Mais moi, j’insiste.
Parce que je veux qu’il comprenne, dès maintenant, dès le plus jeune âge, que ce nom n’est pas juste une étiquette.
C’est un ancrage. Un héritage. Une boussole.
Ce nom lui dit d’où il vient. Ce nom lui dit à quelle lignée il appartient. Ce nom doit devenir une source de fierté, pas juste un mot de plus sur une carte d’identité.
Et si j’y mets autant d’intensité, c’est aussi parce que moi-même, je ne l’ai pas toujours vécu comme ça.
Quand je me présente, c’est mon prénom qui sort en premier. Machinalement. Va savoir pourquoi.
La première personne qui m’a vraiment réconcilié avec mon nom, c’est mon pote Djofang.
Il a toujours insisté pour qu’on s’appelle par nos noms du village, comme on aime le dire au Cameroun.
À force, c’est même devenu « Djofy ».
Avant Djofy, si tu m’appelais « DEFO », je ne le vivais pas toujours bien.
Limite, ça sonnait comme un rappel à l’ordre. Mes parents utilisaient mon nom complet quand j’allais me faire gronder.
Donc pour moi, « DEFO » voulait souvent dire : ça va chauffer.
Aujourd’hui, c’est moi qui dégaine « Ayan » dans les mêmes circonstances.
Et quand le petit DEFO entend son prénom, il sait que ça va jaser.
Tu diras peut-être que j’exagère. Peut-être que j’en fais trop. Mais chacun son combat.
Et pour quelqu’un qui vit loin de son lieu d’origine, ce genre de petit détail est une bouée d’ancrage.
Nous, immigrés, avons encore nos souvenirs, nos racines, notre éducation pour garder le lien. Mais après dix, quinze, vingt ans… combien d’entre nous oublient peu à peu qui ils sont ?
Et nos enfants, nés ici, que leur restera-t-il si on ne leur transmet rien de ça ?
Alors oui, j’étais submergé par un sentiment de fierté en l’entendant crier son nom.
Et c’est là que j’ai compris, un peu malgré moi, ce que ressentent les croyants quand ils récitent leur credo.
Pas que je me prenne pour Dieu hein…
Mais entendre mon fils proclamer haut et fort qu’il est DEFO, fils de DEFO, petit-fils de FOTSI, ça m’a presque donné envie de lui pardonner toutes ses bêtises du jour.
Parce qu’au fond, il venait de faire quelque chose de bien plus grand que se tenir tranquille. Il avait affirmé qui il était.
Les africains fiers ne vont pas apparaitre du jour au lendemain, cette fierté ne leur sera pas donnée par les autres. C’est dès maintenant qu’on doit apprendre à un « TCHOUOMEGNE » à être fier de son nom, ou à un NYEMECK, ou à un petit NJOUOGNOT qu’il n’y a rien de drôle quand on écorche son nom.
Bref, tu m’as compris.
Georges DEFO