Et si la patience était le vrai luxe ?
Le youtubeur NajB expliquait à la fin d’une de ses vidéos un comportement très courant des gens sur les réseaux sociaux. Il s’agit de cette manie que les gens ont de trouver normal, voire intéressant — au point de rendre un influenceur célèbre et riche —, des comportements que, normalement, on trouverait bizarres, dérangeants ou inappropriés. Mais ce qui est intéressant, c’est que dans une temporalité différente, en fonction de l’image qu’on a, à un moment T, de cet influenceur, les mêmes actions, les mêmes agissements ne sont pas perçus de la même façon. À un moment, il est drôle car c’est de l’humour noir, et l’instant d’après, il devient méchant, misogyne et vulgaire. Tu as sûrement déjà ressenti ça pour quelqu’un que tu suivais à une époque et que tu ne suis plus forcément aujourd’hui.
Je t’en parle parce qu’hier, lors de ma correspondance à Bruxelles pour Nairobi, le policier des frontières m’a annoncé que mon vol avait été annulé, et je n’avais pas idée du chemin de croix sur lequel je venais d’être lancé. J’ai d’abord reçu un SMS de la compagnie aérienne m’annonçant que mon vol avait effectivement été annulé, mais surtout que je devais réserver une chambre d’hôtel car je ne pourrais voyager à nouveau que le lendemain. Cette nouvelle ne m’enchantait vraiment pas. Je venais déjà de passer une journée entière sans dormir, car, devant être à l’aéroport de Lyon à 4 h, j’avais tout simplement choisi de veiller. J’étais dans un état d’esprit où il me fallait un vol, et à l’immédiat. Pendant un instant, on aurait cru entendre parler un patron du CAC 40 😔.
Après trois heures d’attente debout, vient enfin mon tour au guichet pour trouver un vol. Sachant que je voyage avec mon frangin Charlie, nous demandons à la dame de nous trouver deux places dans le même vol. Elle nous apprend alors que Charlie a déjà reçu une place dans un vol qui part le soir même, via Oslo – Addis-Abeba – Nairobi, avec une arrivée à 12 h 30. Moi, j’avais un billet réservé pour deux jours plus tard, avec une arrivée à Nairobi dimanche soir. Ce à quoi nous avons directement opposé une fin de non-recevoir.
Après nous avoir expliqué qu’elle trouvait des départs le lendemain pour une arrivée à 19 h sur Nairobi, mais à chaque fois pour une seule place, elle nous a fait comprendre qu’avoir deux sièges sur le même vol serait impossible. Nous avons rapidement déchanté et avons finalement baissé nos standards, acceptant d’être sur des vols différents mais avec une arrivée le samedi à Nairobi.
Vingt minutes de recherche plus tard, elle nous annonce avoir trouvé le deal parfait pour Charlie, mais pour moi ce serait une arrivée le dimanche matin à 2 h. Imagine qu’il y avait environ cent personnes dans la file d’attente pendant que nous discutions avec la dame depuis près de quarante minutes. Ça commençait à rouspéter et j’avais envie de dire oui juste pour en finir. Charlie, lui, n’était pas de cet avis et a insisté pour qu’elle cherche encore. J’ai même failli dire que ce n’était pas grave et que j’allais prendre ce billet.
Contre toute attente, la dame me fait savoir qu’elle a « par chance » trouvé un billet direct de Bruxelles à Nairobi pour le samedi matin. N’ayant même pas eu le temps de jubiler, elle m’annonce qu’elle peut faire encore mieux : nous mettre, Charlie et moi, sur le même vol. Après quarante minutes de discussion, nous avons donc finalement obtenu la solution que nous souhaitions depuis le début.
Je sais que j’ai été très long dans mon histoire, mais ce que je voulais mettre en exergue, c’est le fait que, si tu ne t’en es pas rendu compte, même en lisant mon récit, tu trouves que la fin est heureuse et que j’ai finalement eu ce que je voulais. Mais rappelle-toi : quand j’arrive au guichet, mon souhait, c’est de voyager le jour J. Avec l’enchaînement des événements, nous avons finalement trouvé que dormir à l’hôtel et voyager le samedi n’était pas si horrible que ça. Mieux encore, c’était le jackpot d’avoir un vol direct. Comme quoi, une même situation, dans une temporalité différente, n’a pas la même saveur.
Pour conclure, j’aimerais quand même souligner que toute la négociation avec la dame de Brussels reflète la vie en général. Si tu te contentes de la première chose qui te tombe dessus, il est fort probable que tu t’exclus toi-même de meilleures opportunités. Tenir un peu plus ne te garantit pas mieux, mais peut t’offrir bien plus que ce que tu aurais accepté précipitamment.
J’en ai déjà trop dit. Dans le texte de demain, je te donnerai deux autres leçons que j’ai tirées de cette mésaventure. En attendant, je retourne savourer le champagne à volonté de la business class. 🍾
Georges DEFO