Ils ont dit que c’était de la sorcellerie
Ils ont dit que c’était bizarre. Que c’était primitif. Que c’était obscur.
La spiritualité africaine. Celle de nos ancêtres. Celle qu’on pratiquait avant que d’autres viennent nous dire que pour prier, il fallait parler latin ou fermer les yeux vers l’Est.
Je ne suis pas en train de cracher sur les autres religions. Je suis issu moi-même d’un famille à moitié chrétienne et musulmane. Mais aujourd’hui, je veux parler de ce que beaucoup ont abandonné trop vite, par peur d’être jugés, par honte d’être appelés “féticheurs”.
Parce que si je te parle de libation, tu vas hausser les épaules. Si je te dis que dans certaines familles on prie les ancêtres avant de manger, tu vas me demander si c’est biblique. Et pourtant, quand un Japonais se recueille devant l’autel de ses ancêtres, on parle de tradition. Quand un Indien met une photo de ses aïeux dans le salon, on parle de respect.
Mais nous, quand on évoque les ancêtres, on pense tout de suite à la forêt, au sang, aux sacrifices, à de la sorcellerie en gros.
Et pourtant.
La spiritualité africaine, ce n’est pas la peur. C’est la connexion aux éléments, à la nature, aux forces invisibles qui nous entourent. C’est la conscience que nos morts ne sont pas vraiment morts, qu’ils continuent de veiller, de parler, de guider. Ce n’est pas du cinéma. C’est une mémoire vivante. Un respect transmis de génération en génération… du moins, quand on le transmet encore. Ah le jujube mâché, qu’on ne pouvait prendre que par 7. D’ailleurs tu as sûrement vu la photo dans laquelle tu as un jeune homme assis nu sur une chaise avec une poule sur la tête. On en rigole souvent pourtant c’est un rituel qu’on fait pour obtenir la protection des ancêtres avant un long voyage, très souvent à l’étranger. Et oui, nous sommes les premiers à en rire, s’en moquer. On peut ne pas y croire, mais au moins les respecter.
Le problème, c’est qu’on a voulu tout jeter d’un coup, sans faire le tri.
Oui, certains ont dévoyé cette spiritualité, l’ont utilisée pour manipuler, pour dominer. Mais dis-moi, la religion occidentale n’a-t-elle pas aussi été utilisée pour coloniser ? Pour tuer ? Pour diviser ?
On peut être chrétien, musulman, bouddhiste… et en même temps ne pas mépriser ce que nos grands-parents savaient faire pour se sentir en paix avec le monde.
Quand mon arrière-grand-mère parlait à voix basse à une marmite d’eau, je riais. Aujourd’hui, je me demande si elle ne priait pas à sa façon. Si elle ne versait pas ses peines et ses demandes dans cet élément qui donne la vie.
La spiritualité africaine mérite mieux que les moqueries. Elle mérite notre curiosité. Notre écoute. Notre respect. D’ailleurs comment attendre des autres qu’ils la respectent si nous mêmes sommes les premiers à la moquer?
Parce qu’avant d’être convertis, nous étions déjà connectés. Et ce n’est pas l’un ou l’autre. C’est les deux.
Georges DEFO