La déresponsabilisation des aînés dans la société africaine
Dans nos sociétés africaines, on nous apprend très tôt à respecter les aînés. Et c’est une belle valeur. Mais à force de sacraliser le respect, on en a parfois fait un bouclier derrière lequel certains se cachent pour échapper à toute remise en question. On ne peut pas les contredire, même quand ils ont tort, parce que « ce sont les aînés ».
Je trouve que c’est une dérive dangereuse. Car le respect ne doit pas rimer avec soumission. Être plus âgé ne donne pas toujours raison, et être plus jeune ne veut pas dire qu’on ne peut rien apprendre aux autres. Dans une société équilibrée, chacun doit pouvoir parler, questionner, débattre, sans que cela soit perçu comme un affront. Mais chez nous, il suffit de dire « je ne suis pas d’accord » pour qu’on te taxe d’arrogant.
Le problème, c’est que cette culture du silence entretient la stagnation. On ne progresse pas, parce qu’on ne peut pas dire les choses. Et beaucoup d’aînés se déresponsabilisent de leurs erreurs en se réfugiant derrière leur statut. Or, être aîné, ce n’est pas seulement exiger le respect : c’est accepter d’en être digne. C’est reconnaître ses torts, transmettre avec humilité, et encourager les plus jeunes à faire mieux.
Si nous voulons bâtir une Afrique forte, il faut qu’on apprenne à dialoguer différemment. Les jeunes ne doivent pas chercher à renverser leurs aînés, mais à comprendre et à proposer. Et les aînés, eux, doivent apprendre à écouter sans se sentir menacés.
Le respect n’exclut pas la responsabilité. L’âge donne de l’expérience, pas le monopole de la vérité.
Georges DEFO