La grandeur silencieuse de ceux qui font ce que les autres ne feraient jamais

Il y a une forme de grandeur qu’on ne comprend qu’avec le temps : celle qui consiste à faire le contraire de ce que tout le monde ferait spontanément.

Pendant longtemps, quand quelqu’un me criait dessus, je répondais au quart de tour. Je voulais montrer que je ne me laissais pas faire, que j’étais “un homme”, que je savais hausser le ton encore plus fort. Je pensais que me contrôler était une faiblesse — alors qu’en réalité, c’est l’inverse : c’est la réaction brutale qui est une défaite.

C’est exactement le même mécanisme quand, pour un programme, je suis prêt bien avant l’heure… mais, à l’idée d’être celui qui va attendre les autres, je prends mon temps… et je finis moi-même en retard. Parce qu’on a grandi dans la peur d’être “le gentil”, “le naïf”, “le trop correct”. On confond fierté et immaturité.

Je ne comprenais pas non plus ce que signifiait réellement “tendre l’autre joue”. J’y voyais un aveu de faiblesse, une soumission, un manque de dignité. Aujourd’hui, je réalise que c’est tout le contraire : tendre l’autre joue, c’est refuser de laisser quelqu’un t’entraîner dans sa laideur. C’est un acte de force, pas de lâcheté. Parce qu’aussi dur que cela puisse être à accepter : répondre au manque de respect par le manque de respect, c’est devenir l’égal de celui qui t’a blessé. C’est descendre dans la gadoue avec lui. C’est lui permettre de t’abaisser à son niveau.

Alors oui, parfois, la meilleure réponse à un aîné qui t’humilie, à un collègue qui te provoque, à un inconnu qui t’irrite… ce n’est pas la vengeance, ni la colère, ni l’égo. C’est le silence. C’est l’ignorance. C’est la maîtrise. Il y a une force immense dans la retenue. Une noblesse réelle dans la capacité à ne pas réagir.

Une grandeur dans le choix d’être meilleur que l’offense. Parce qu’au final, on ne perd jamais à rester digne. Et la dignité est une denrée de plus en plus rare chez nous.

Georges DEFO