Le poids invisible des leaders
Se battre contre ses propres démons est d’autant plus difficile quand on est un pilier. Lorsqu’on devient un modèle pour beaucoup, cela apporte autant de gratification que de pression. Je regardais une émission sur le football où l’on évoquait la dégradation du comportement des jeunes joueurs au niveau amateur. Certains chroniqueurs rejetaient la faute sur les professionnels qui passent à la télé. L’un d’eux, dont je partage l’avis, s’est insurgé contre cette analyse simpliste : les parents, qui sont les premiers éducateurs de leurs enfants, ne sont déjà pas exemplaires sur les bordures de pelouse. Alors pourquoi remettre cette responsabilité sur des joueurs qui, eux aussi, évoluent sous un stress constant, avec des contrats précaires dont dépend toute leur vie ? Comment s’étonner de leurs débordements alors que leur quotidien est fait de pression et d’exigences permanentes ?
Personne ne se soucie réellement de la charge mentale et émotionnelle des leaders. Pourtant, dès qu’ils vacillent, on pointe du doigt leurs responsabilités. C’est une règle implicite : les locomotives n’ont pas droit à l’erreur. À force d’attentes irréalistes, on les transforme presque en objets d’utilité publique, parfois au détriment de leur bien-être. Au début, cela peut sembler gratifiant, presque glorieux, d’être une référence. Mais rapidement, on réalise que cette posture est aussi une cage dorée, où chaque faux pas est scruté, jugé, condamné.
Comme on le dit souvent, “on ne donne un fardeau qu’à celui qui a la capacité de le porter”. Mais à quel prix ? Selon la manière dont on aborde cette réalité, on peut y voir un cadeau empoisonné ou une mission. Peut-être que la véritable sagesse est d’apprendre à porter ce poids sans s’y perdre, en posant ses propres limites et en rappelant au monde que même les piliers ont besoin d’un soutien. Parce qu’avant d’être un modèle, on reste un être humain.
Georges DEFO