« Les ennemis d’hier ne sont pas forcément ceux de demain. »

C’est Alexandre Dumas qui nous a offert cette phrase, dans un contexte littéraire où les alliances basculent, où les trahisons se retournent comme des vestes, et où même le pire des adversaires peut devenir l’allié le plus stratégique. Dans Le Comte de Monte-CristoLes Trois Mousquetaires, ou encore La Reine Margot, Dumas illustre parfaitement cette idée : la vie n’est pas linéaire, et la politique encore moins.

Mais quand cette citation sort de la bouche d’un candidat à la magistrature suprême, elle prend une autre dimension. Elle ne fait plus partie d’un roman à rebondissements, mais entre dans le réel, celui des promesses, des pactes, et des responsabilités.

Et là, je me pose des questions.

Dois-je y voir la lucidité d’un homme d’État qui accepte la complexité du monde, qui comprend que gouverner, c’est parfois composer, faire des compromis, même avec ses anciens opposants ?

Ou dois-je y voir un opportuniste, capable de pactiser demain avec ceux contre qui il s’est battu hier ?

Dois-je m’attendre à ce qu’il tende la main à ceux qui incarnent ce que moi, en tant que citoyen, je combats ? À ceux-là mêmes que j’espérais voir balayés par sa victoire ?

Parce qu’il y a une différence entre l’intelligence stratégique et la compromission morale.

Et c’est là tout le dilemme.

Oui, un bon leader doit savoir rassembler, pardonner, dépasser les clivages. Mais il doit aussi avoir une colonne vertébrale, une vision claire, et surtout des limites qu’il ne franchit pas.

Ce que je crains, c’est qu’en utilisant cette citation, certains veuillent nous préparer psychologiquement à des retournements qui serviraient davantage leurs intérêts que ceux du peuple. Je crains qu’on glisse de la réconciliation à la réhabilitation sans justice. Qu’on nous fasse avaler des alliances sous prétexte d’unité nationale, quand ce n’est en réalité qu’un recyclage de figures que nous espérions voir remplacées.

Alors oui, les ennemis d’hier ne sont pas forcément ceux de demain,

Mais les valeurs d’hier, elles, doivent rester celles de demain,

Sinon, pourquoi voter?

Georges DEFO