On dit que le Makossa est mort.

Pour ceux qui ne savent pas ce qu’est le Makossa, c’est un style musical du Cameroun, né chez les populations SAWA, et qui, selon moi — ce n’est que mon avis personnel — est le style musical phare du pays.

Quand on dit que le Makossa est mort, beaucoup se fâchent. Je suis le premier à le dire. Et ce n’est pas une fatalité, ni une raillerie. C’est juste un constat, un coup de gueule, une main tendue à la nouvelle génération pour qu’elle se mette au travail.

Je n’avais d’ailleurs pas prévu de parler de ce sujet ce matin. Mais en allumant la télé pour mettre de la musique en fond sonore, l’algorithme YouTube m’a proposé une chanson de Sam Mbende. Je l’avais totalement oublié. J’ai même eu honte. Parce que c’est l’un de mes meilleurs chanteurs. Il a signé de grands classiques comme Alabe — le générique de La Tribune de l’Histoire sur Canal 2 — ou encore Nina, une magnifique ballade amoureuse.

L’écouter après tout ce temps m’a replongé dans mon enfance.

Et ça m’a conforté dans cette idée : le Makossa se meurt, et il est temps que ses héritiers se réveillent.

Sam Mbende n’est pas le seul à nous avoir offert des chefs-d’œuvre.

Je ne présente plus la famille DECCA, Nkotti François, Dina Bell, Tom Yoms, Joe Masso, Ekambi brillan, Salle john, Henri Dikongue, Douleur, Petit-Pays, Ngué la route, Nicole Mara, bébé manga et tant d’autres.

Des gloires anciennes, toutes proches de la retraite, si elles ne sont pas déjà parties.

Et c’est là tout le problème.

Leur œuvre survivra au temps, c’est sûr. La qualité ne bougera pas.

Mais comme un lingot d’or dont le propriétaire décède sans prendre le soin d’indiquer sa cachette à ses ayants droit, le dit lingot ne perdra clairement pas valeur, pire il prendra même de la valeur, mais sera juste oublié faute de transmission. Et nous en avons tant de trésors que nous avons mis au placard, et qui prendront la poussière sur une étagère jusqu’au jour où quelqu’un rachètera notre maison à rabais et revendiquera la propriété de cet héritage familial qui aura été négligé.

Si tu me lis et que tu connais Sam MBENDE, fais-lui lire ce texte. Je veux qu’il sache ceci :

Tonton Sam, tu es un génie. Je te demande pardon d’avoir oublié que ta musique existait encore. Et merci. Pour toutes ces balades merveilleuses qui ont bercé mon enfance. Elles font partie des souvenirs que je chéris le plus. Tonton Sam, tu es un génie.

Mais un héritage, ça ne se pleure pas. Ça se protège, ça s’enseigne, ça se fait vivre.

Alors à ma génération, je dis ceci : N’attendons pas que le monde vienne fouiller nos placards pour redécouvrir nos trésors.

Rouvrons-nous-mêmes les tiroirs. Rejouons, réinterprétons, modernisons, partageons.

Parce qu’un style musical ne meurt vraiment que quand plus personne ne le fait vibrer.

Et le Makossa mérite encore de résonner. Je parle du Makossa parceque c’est le style qui me fait le plus vibrer, mais le bikutsi, le mbole et la musique camerounaise de façon générale ne doivent pas être en reste!

Georges DEFO