On élève comme on gouverne

« Je me demande comment vous faites pour regarder vos enfants le soir quand vous rentrez chez vous, après avoir raconté tant de sottises sur les plateaux TV. »

C’est souvent la phrase que reçoivent les communicants du parti au pouvoir quand ils tentent maladroitement de justifier l’injustifiable.

Et pourtant, ce qui a retenu mon attention ce n’est pas leur talent de contorsionnistes… mais bien la question en elle-même.

Parce qu’elle n’a aucun sens dans notre contexte.

Je me suis demandé :

Combien de parents rendent réellement des comptes à leurs enfants ?

Combien prennent le temps de leur expliquer ce qu’ils font, pourquoi ils le font, les conséquences de leurs actes, ou même simplement les écoutent ?

Dans un pays où le pouvoir s’exerce dans l’opacité, il ne faut pas s’étonner que la cellule familiale fonctionne de la même manière.

On élève des enfants dans le silence, dans l’ordre, dans l’exécution.

Et quand ces enfants deviennent des adultes sans repères, sans boussole, sans éthique, on s’étonne.

Mais soyons honnêtes.

Comment veux-tu que le fils d’un ministre lui pose la moindre question sur son comportement, sur ses décisions politiques, alors que ce même fils a peut-être déjà perdu pied, embourbé dans les excès et les privilèges que lui offre sa position ?

Il ne voit pas l’injustice. Il ne la subit pas. Il est l’héritier du système.

Et cette question m’amène à un parallèle encore plus inquiétant. Parce qu’au fond, même nos enfants, ici ou ailleurs, qui grandissent dans un autre écosystème – en France, au Canada, aux États-Unis – sont souvent confrontés aux mêmes silences.

Des parents qui ne communiquent pas. Par fatigue. Par habitude. Par peur, parfois. Par ce réflexe hérité qui dit qu’un enfant n’a pas besoin de tout savoir. Mais comment peut-on espérer élever une génération meilleure, si on ne lui transmet pas notre vérité ?

Si on ne partage pas nos erreurs ? Si on ne prend pas le temps d’expliquer, de débattre, de rendre des comptes, justement ? On rêve de leaders éthiques. Mais on oublie que ces leaders sont les enfants de quelqu’un.

Alors non. Ils n’ont pas de mal à regarder leurs enfants dans les yeux. Parce que la vérité, c’est que ni eux… ni beaucoup d’entre nous… ne savons vraiment ce que cela signifie. Rendre des comptes à son enfant, c’est lui transmettre un modèle.

Mais si ce modèle est bancal, silencieux ou corrompu…

Alors on fabrique une génération complice, ou pire, une génération résignée.

Georges DEFO