Porte son sac, même s’il court.

On a développé une drôle de manière de digérer nos échecs.

Plutôt que de reconnaître nos manquements, on trouve toujours une explication extérieure.

Un raccourci. Une excuse.

“Il a réussi ? C’est parce qu’il connaît du monde.”

“Elle a percé ? C’est sûrement son père, il a dû faire des sacrifices.”

“Ils sont rentrés au pays ? On verra bien, ça ne va pas durer…”

Sérieusement, on est devenus des professionnels du déni.

On veut tellement se rassurer qu’on décrédibilise la réussite des autres au lieu d’en tirer des leçons.

On préfère croire que Lydol n’a pas percé grâce à son travail, sa plume, ou sa discipline,

mais à cause d’un pacte occulte signé par son père.

C’est plus facile à croire que de se dire qu’on aurait pu au moins essayer.

Et pendant ce temps, on prie secrètement pour que ceux qui sont rentrés en Afrique échouent vite, histoire de pouvoir se dire :


“Tu vois ? J’ai bien fait de rester ici, moi.”

Mais à force de vouloir que les autres tombent, on n’avance pas.

On reste au bord du chemin, les bras croisés, à juger ceux qui ont au moins eu le courage de se lever et de marcher.

Je ne dis pas que tout le monde est clean.

Je ne dis pas que certains n’ont pas eu des coups de pouce.

Mais même si quelqu’un court avec des Nike dopées, porte son sac quand même.

Observe. Apprends. Tente.

Même si tu échoues.

Parce que ce n’est pas le raccourci qui fait la victoire,

c’est la constance, le courage, et l’intention.

Arrête de chercher pourquoi il court plus vite que toi.

Essaie déjà de courir.

En réalité, ce qu’on reproche à ceux qui sont prêts à tout pour réussir,

ce n’est pas leur réussite.

C’est le fait qu’ils soient prêts à tout.

On en est arrivés à jalouser la richesse, à la dénigrer,

et — pire encore — à la craindre.

Tous les chemins mènent à Rome, mais pas dans le même laps de temps.

Choisis donc celui qui, même s’il est plus long, te permettra d’arriver entier.

Et si malgré tout tu trouves encore que c’est trop compliqué…

alors accepte au moins de laisser passer ceux qui, eux, sont déterminés.

Georges DEFO