Pourquoi ceux qui te soutiennent le moins sont souvent les plus proches
Mon cousin Ronel a mené une petite expérience sociale récemment. Il a simplement mis un mot de passe sur son blog. Rien de révolutionnaire.
Mais le résultat, lui, était étonnant — du moins de mon point de vue : presque personne dans son entourage, moi y compris, ne s’en est rendu compte.
Et pourtant, je suis un grand fan de sa plume.
En observant cela, j’ai repensé à mes propres publications. Sur les réseaux, les personnes qui “donnent la force” ne sont presque jamais celles que j’attends.
Ce sont des inconnus, des connaissances lointaines, des lecteurs anonymes… tandis que les plus proches regardent, consomment en silence, ou passent complètement à côté. Pourquoi ? Je pense qu’il existe trois dynamiques sociales qui expliquent ce phénomène. Et ce sont celles auxquelles je préfère croire.
Premièrement, quand on évolue dans ton cercle proche, on pense te connaître. On pense qu’on “a le temps”, qu’on te lira plus tard, qu’on continuera à te voir demain. Ton contenu devient… normal. Presque banal. Un peu comme la routine qui s’installe dans une relation, car oui, nous avons une relation écrivain–lecteur. Alors qu’un inconnu, lui, découvre une pépite. Il n’a aucun historique avec toi : il juge ce qu’il lit, pas ce qu’il sait déjà de toi. Et comme avec l’effet de nouveauté, il est plus enclin à savourer ce que tu lui proposes.
Ma seconde hypothèse est que nos proches ont souvent du mal à mettre à jour la version mentale qu’ils ont de nous. Toi, tu évolues. Eux, ils se souviennent de la version 2015, 2019 ou 2022. Ils n’intègrent pas toujours le fait que tu aies gagné en compétence, en maturité, en ambition.
Les inconnus, eux, te prennent pour ce que tu montres aujourd’hui, pas pour ce que tu étais. Et c’est parfois plus juste. C’est pour cela que je te disais dernièrement qu’il ne faut pas avoir peur de couper les ponts avec certains amis : s’ils ont peur, eux, de changer — même en bien — cela ne devrait pas être une raison pour toi de stagner afin de leur permettre de ne pas se sentir insécures.
Ma dernière hypothèse est très proche de la précédente, mais avec une subtilité : un inconnu qui te découvre doit te choisir. Un proche, lui, t’a déjà “par défaut”. On néglige ce qu’on obtient gratuitement. On chérit ce qu’il faut aller chercher.
Avec ou sans mon blog, nous avions déjà une relation. Donc donner ou ne pas donner de la force ne met pas cette relation en péril. Pourquoi alors se donner du mal de lire ou même de féliciter ? Il ne faut pas oublier non plus que, de façon générale, nous ne sommes pas de grands lecteurs. Je ne compte plus le nombre de fois où des proches m’ont dit que mes textes étaient trop longs.
Parfois, le teaser les intéresse, mais à la vue du texte complet, ils zappent. C’est triste, mais c’est comme ça.
J’en conclus que ce n’est ni un manque d’amour, ni un manque de considération.
C’est simplement un biais humain : la distance amplifie la valeur, la proximité la dilue.
Et c’est aussi une belle leçon pour tout créateur : ne compte jamais sur ton cercle pour valider ton travail. Compte sur ton travail pour attirer son propre cercle.
La seule chose que l’on peut attendre de notre cercle proche, c’est qu’il joue ce rôle de relais vers ceux qui n’auront pas de biais et recevront la notification d’un nouveau texte publié comme celle d’un virement bancaire annonçant l’arrivée du salaire mensuel.
Donc si tu as lu ce texte et que tu es un proche, ne le garde pas pour toi : partage-le autour de toi.
Peut-être que quelqu’un m’attend depuis tout ce temps et pourra enfin occuper sa place dans ma salle de classe.
Georges DEFO