Pourquoi nous devons écrire : pour que notre histoire ne nous échappe plus

Il existe des milliers de livres qui parlent des mêmes sujets : la confiance en soi, l’échec, l’amour, la discipline, la réussite, la spiritualité… Et pourtant, on continue d’en écrire. Pourquoi ?

Parce que chaque auteur y met sa propre vie, sa propre sensibilité, son propre angle. Deux livres peuvent dire la même chose… mais ne toucher pas les mêmes personnes. C’est justement cela qui a façonné les grandes civilisations :
les Égyptiens ont laissé des fresques, les Grecs ont laissé des penseurs, les Chinois ont laissé des chroniques, les Européens ont laissé des journaux intimes, des correspondances, des récits familiaux. Ce sont ces milliers de témoins, chacun avec sa petite nuance, qui ont bâti la mémoire collective.

Et nous, Africains ? Nous avons trop souvent laissé d’autres raconter à notre place. D’autres décrire ce que nous sommes. D’autres écrire notre histoire, nos mentalités, nos combats, nos défauts, nos grandeurs. Si tu me dis que c'était fait à escient je peux même te donner raison mais aujourd'hui avec les NTIC, les cartes ont été rebattues et nous avons une palanquée de moyens pour nous exprimer et surtout archiver.

Résultat :

nous découvrons parfois notre propre passé dans un livre écrit à Londres ou à Paris…sans aucune trace de la voix de nos arrière-grands-parents. C’est là que mon analogie prend tout son sens.

Imagine que chacun d’entre nous tienne une carafe d’eau claire. Tu y verses ta propre poudre : ton vécu, ton éducation, tes blessures, tes réussites, ton accent, ton humour, ton caractère. Ta teinte ressemblera à d’autres, oui, mais elle restera unique. Si nous plaçons toutes ces carafes sur une étagère, les jeunes qui viendront après nous trouveront forcément une teinte qui leur ressemble. Une teinte qui leur dira : “tu n’es pas seul, quelqu’un est passé par là avant toi.” Et à leur tour, ils verseront leur propre poudre, et la chaîne continuera. C’est ça, bâtir une civilisation.

Aujourd’hui, je suis incapable de dire qui était mon arrière-grand-père. Pas parce qu’il n’existait pas, mais parce qu’aucune trace n’a été laissée. Aucun mot. Aucun texte. Aucun récit. Alors quand on me dit : “Les Occidentaux n’écrivent pas tous leurs vies non plus”, je réponds : nous n’avons pas les mêmes problèmes. Eux ne se battent pas pour qu’on leur rende leur narratif. Nous, si.

Alors si tu me lis aujourd’hui, je te le dis: écris, Raconte, Documente, Transmets. Même si tu penses que personne ne te lira. Même si tu crois que ta vie est banale. Même si tu as peur de ne pas savoir écrire. Parce que ce que toi tu ne trouves pas intéressant aujourd’hui… pourra devenir le trésor identitaire de tes arrière-petits-enfants.

Et cette fois, ce sera notre voix, notre encre, notre vérité. Pas celle de quelqu’un d’autre.

Georges DEFO