Quand avoir raison te fait avoir tort

Il y a quelque chose de dangereux dans la certitude absolue.

Quand on est persuadé d’avoir raison, on se donne souvent la permission de franchir des limites qu’on aurait juré ne jamais dépasser. Et l’Histoire africaine regorge d’exemples où cette certitude a coûté plus cher que le problème initial.

Regarde certains conflits post-indépendance : deux communautés qui vivaient ensemble depuis des décennies se déchirent, parce que chacune est convaincue d’avoir été lésée par l’autre. On réclame justice… mais cette justice devient vengeance. On exige réparation… et pour l’obtenir, on reproduit exactement le mal qu’on a subi. Résultat : personne ne gagne vraiment, mais tout le monde perd un morceau de son humanité.

Et ce n’est pas seulement dans les guerres que ça se manifeste. Même à plus petite échelle, dans la politique africaine, on retrouve le même schéma. Des leaders qui, après avoir combattu la dictature, finissent par instaurer leur propre régime autoritaire “pour protéger le pays des ennemis”. Dans leur esprit, ils font ce qu’il faut. Dans les faits, ils deviennent exactement ce qu’ils disaient combattre.

La vérité, c’est que la conviction d’avoir raison ne nous rend pas meilleurs. Au contraire, elle peut nous aveugler au point de justifier l’injustifiable. C’est la différence entre Mandela, qui après 27 ans de prison a choisi la réconciliation, et d’autres figures historiques qui ont utilisé leur victoire pour écraser leurs adversaires. La grandeur ne vient pas seulement de gagner, mais de ce qu’on décide de faire une fois qu’on a gagné.

Je ne dis pas qu’il faut accepter l’injustice ou se taire face à l’oppression. Mais il faut se rappeler que la manière compte autant que le fond. On peut avoir raison et, par nos actes, finir par avoir tort. Et souvent, ce que les gens retiennent, ce n’est pas notre “bonne cause”, mais la blessure qu’on leur a laissée. 

Si on n’y prend pas garde, on finit par devenir ce qu’on déteste le plus. Et là, avoir raison n’a plus aucune valeur.

Georges DEFO