Quand nos monnaies ne parlent pas entre elles
Il y a quelque chose qui m’a toujours frappé quand je voyage en Afrique: malgré notre proximité géographique, culturelle, historique… nos monnaies ne se connaissent même pas entre elles. Un franc CFA, ici au Kenya, ne vaut strictement rien. Et un Kenya Shilling, au Cameroun, est littéralement inutile.
Impossible de l’échanger, impossible de le convertir. On est obligés de passer par le dollar ou l’euro comme si c’était un langage universel qu’on était incapables de parler entre nous.
Mais comment en est-on arrivés là ? La réponse est simple : nos monnaies africaines ont été construites pour dépendre d’autres économies mais pas les nôtres. Le franc CFA est indexé sur l’euro, donc reconnu automatiquement en Europe… mais pas au Nigeria, pas en Tanzanie, pas en Éthiopie et là même je suis gentil. Va chercher à convertir tes Francs CFA à Paris. Le Kenya Shilling, lui, ne repose que sur la force de son marché local : utile dans son pays, invisible ailleurs.
Résultat ? Un Malien ne peut pas payer au Cameroun avec sa monnaie, Un Camerounais ne peut pas changer ses CFA à Nairobi. Un Kenyan ne peut pas échanger ses shillings à Douala. Nous vivons sur le même continent, mais nous passons par l’Europe ou les États-Unis pour parler entre nous.
Et ça, ce n’est pas qu’un détail technique : c’est un frein énorme au commerce intra-africain, aux voyages, aux investissements, à la mobilité réelle. Comment veut-on construire un marché commun quand il faut d’abord sortir de l’Afrique pour revenir en Afrique ? Alors oui, la solution n’est pas simple. Mais la question mérite d’être posée :
"Pourquoi ne pas avancer vers une monnaie commune africaine, ou au moins un système monétaire intégré comme l’Union européenne l’a fait avec l’euro ?"
"Pourquoi ne pas créer des mécanismes qui permettent d’échanger nos monnaies directement, sans passer par un intermédiaire extérieur ?"
Ce n’est pas pour demain, peut-être. Mais si nous voulons une Afrique forte, il faudra tôt ou tard une Afrique capable de parler le même langage économique.
Georges DEFO